- 1. La démarche artistique
- 2. La réalité cubaine
- 3. Le temps ne compte plus
- 4. Le riz des femmes…les dominos des hommes
- 5. Les touristes : le Père Noël des Cubains
- 6. Mi casa no es tu casa!
Le titre de l’exposition, Somos Diferentes, Somos Iguales, fait référence à deux grands principes définis par les peuples, l’égalité entre les Hommes et l’acceptation des différences entre les nations. L’intention de ce projet est de mettre en valeur la principale richesse de Cuba, son peuple, et d’intéresser le public à ce qui se passe derrière la vitrine officielle du régime. L’exposition est composée de 50 portraits auxquels s’ajoutent 25 textes qui décrivent la société cubaine.
La démarche artistique
Inspirées de l’art traditionnel du portrait et réalisées avec le procédé argentique, mes photographies se présentent sans artifices ni retouches, comme lors du déclic original. Je vous propose une œuvre hyperréaliste, empreinte d’authenticité. Ma démarche emprunte au reportage sa spontanéité et à l’ethnographie, son humanisme. J’ai réalisé ces photographies au cours de 20 voyages à Cuba étalés sur une période de 10 ans. Pour ce faire, j’ai obtenu un permis m’autorisant à vivre dans une famille cubaine et j’ai aussi reçu un visa d’artiste invité pour exposer là-bas.
La réalité cubaine
Depuis 1959, la dernière dictature d’Amérique impose une parodie de démocratie à ses 11 millions d’habitants. Pouvez-vous imaginer une société latine coupée du christianisme, isolée géographiquement, administrée à la soviétique, influencée par la Chine, privée de cyberespace, où l’on gagne un salaire de 75 sous par jour? En 2015 les relations diplomatiques entre les ÉU et Cuba ont connu un déblocage. Des prisonniers politiques ont été échangés. L’embargo économique états-unien peut-il expliquer à lui seul toutes les misères de Cuba?
En 2013, Cuba se classait au 171e rang sur 179, parmi les états les moins respectueux de la liberté de presse, juste avant la Chine, l’Iran, la Syrie et la Corée du Nord. Chaque jour, le régime de Raoul Castro commet des exactions contre son peuple. Toujours en 2013, la Commission cubaine des Droits humains et de la Réconciliation nationale a recensé quelque 6424 arrestations arbitraires pour motifs politiques. L’écrivaine cubaine Zoé Valdés, dans son essai La Fiction Fidel, souscrit aux propos du philosophe Bernard-Henri Lévy : « Il n’existe pas de dictature de gauche ou de droite, il existe l’horreur de la tyrannie». Pour sa part, Mario Vargas Llosa, prix Nobel de littérature, décrit le régime Castro comme « un résidu du totalitarisme stalinien ».
Comment 11 millions de personnes peuvent-elles exprimer tant de sérénité et demeurer stoïques tout en vivant dans un contexte socioéconomique et politique si contraignant? Mon exposition illustre ce paradoxe et met en perspective l’espoir des Cubains aux premières heures de la révolution par rapport à la dure réalité actuelle. Face à la situation de nos amis cubains, Somos Diferentes, Somos Iguales nous interpelle sur l’aveuglement des intellectuels, la complaisance des politiques et l’indifférence générale à leur égard, reléguant cette tragédie dans la section des faits divers.
Le temps ne compte plus
Dans les grandes villes cubaines, les horloges publiques sont souvent en panne, même dans les gares de train. Seules les banques ont l’heure juste. Pour un Cubain, l’heure n’a pas d’importance. Les retards sont aussi constants que les marées. Il y a tellement de temps perdu à attendre l’électricité, l’eau, les rations de nourriture, le bus, la pièce manquante à l’usine, que le temps n’a plus de valeur. Le peuple attend depuis 55 ans, de façon stoïque, que la révolution lui apporte un mieux-être. À Cuba, c’est le culte du passé qui est célébré, il y a tellement de commémorations historiques que l’ici et maintenant ne compte plus. Il n’y a pas de présent, que de la patience. Et sans présent, comment peut-il y avoir un futur?
Le riz des femmes…les dominos des hommes
Les fèves et le riz sont à la base de l’alimentation. Cuba ne peut produire suffisamment d’aliments pour nourrir ses 11 millions d’habitants. Cinquante ans de gestion centralisée à la soviétique ont mis en faillite la production agricole. Ce qu’il en restait, les ouragans l’ont anéantie…une vraie catastrophe! Du Vietnam ou de la Chine, on importe du riz de mauvaise qualité. Dans les maisons, sur la table de la cuisine, les femmes vont répandre le riz pour séparer le bon grain de l’ivraie. Tous les jours, un à un, chaque grain est passé à l’examen pour y retirer les petits cailloux, les petites branches et les mauvais grains. Et c’est la même chose avec les fèves, car il faut bien manger. Se nourrir est la priorité de toutes les priorités, un défi quotidien.
Pendant ce temps, les hommes cherchent et trouvent des combines…”resolver”. Ils installent une table dans la rue, devant la maison et se regroupent pour jouer aux dominos. Des journées entières, par groupe de quatre, six, parfois jusqu’à dix, car les voisins se joignent à la partie. Ceux qui veulent jouer aux cartes sont plus discrets, mal vus, ils le font dans les cours intérieures, à l’abri des regards. Dans les parcs publics, il y a ceux qui jouent aux échecs et les amoureux qui se donnent des rendez-vous.
Les touristes : le Père Noël des Cubains
Les touristes qui choisissent d’aller en vacances à Cuba encouragent d’une certaine façon le financement de cette dictature. À chacun de régler ce cas de conscience… Compte tenu de la pauvreté extrême, c’est le bon endroit pour faire preuve d’empathie et de charité. Mais n’oubliez pas que les personnes les plus défavorisées dans l’île ne sont pas celles qui travaillent dans les services hôteliers. Selon la localisation de votre hôtel, et s’il y a un village à proximité, le déplacement en vaut la peine, c’est peut-être là que vous trouverez des gens qui apprécieront le plus vos cadeaux.
Voici une liste d’objets utiles que tous les Cubains seront heureux de recevoir :
Chaîne de vélo, freins, pneus et roues, vélo complet / Ensemble de cordes pour guitare acoustique/ Tylénol extra fort, Vitamines complètes, Médicaments contre les douleurs arthritiques et les infections vaginales / Vieux téléphones cellulaires avec le chargeur/ Ordinateur portable et piles de qualité / Bons souliers de course, beaux T-shirts, casquettes / Parfums de qualité et ensemble de maquillage / Trousse de dessin pour enfants : papier, crayons, stylos, etc.
Les CDR sont les anges gardiens de l’État, à l’affût de chaque citoyen , depuis sa plus tendre enfance, pour mieux le protéger et…l’espionner. Ils représentent la quintessence de la délation.
Mi casa no es tu casa!
Ma maison n’est pas ta maison! En effet, même dans sa propre maison, un Cubain ne peut pas héberger d’étrangers, ni par amitié ni pour dépanner. Déroger à cette loi est passible d’une sentence pénale sévère. Ce règlement limite la liberté des échanges entre les Cubains et les touristes. La seule possibilité permettant de déroger à cette règle, réside dans une liaison amoureuse stable qui devra être approuvée par les Services de l’immigration. La procédure officielle oblige le couple à aller justifier le sérieux de sa relation, preuves à l’appui, pour espérer recevoir un visa A3, valable pour trois mois.
Les membres de la diaspora, en vacances à Cuba, savent que le plus beau cadeau qu’ils peuvent offrir à leur famille est de l’inviter à son hôtel tout inclus, justement pour le sortir de sa maison.